jeudi 12 juin 2008

Délicieux quatre mains... Suite et fin...

Je passe cette grande semaine devant moi à comprendre. Comment renouer ce que la contrainte d’un temps perdu avait dénoué ? Peut-être même tranché ? A la place de cette femme si séduisante, droite et émouvante, que ferais-je ? Je n’y ai même pas pensé. L’émotion empêche la réflexion, c’est parfois mieux : elle met au pied du mur, elle murmure ce qui vaut parce que c’est la vie qui affirme ses droits.

Elle peut ne pas être là : j’aurai vécu une belle attente, et l’évidence de la valeur de chaque instant, y compris ceux qui ont été manqués. Elle peut être là, pleine de reproches, dans son rôle de femme d’action, castratrice et jouissant de sa toute-puissance. Je crois que je rirai… Et qu’elle rira aussi, parce que ce masque est trop étroit pour elle, la contraint à respirer un air qu’elle n’aime plus. Nous verrons.

Je ne pense pas à ce qu’elle fera. Je verrai.

Quoiqu’il se passe, j’irai là où je désire que nous nous retrouvions, dans le train, puis dans cette gare, et, après une heure de route… Et si je changeais de destination ?

Voilà aussi cette semaine pour hésiter, rêver, me surprendre pour que les choses me déconcertent autant j’aimerais qu’elle le soit.

Les jours passent, à reprendre les activités routinières. Ce qui est rassurant c’est que ces quatre mois n’ont pas vraiment laissé de traces. Les collègues me regardent bien un peu comme un rescapé, mais semblent aussi s’en moquer : il est de retour, il fait ce qu’il a à faire, tout rentre dans l’ordre. Le soir je lis des guides touristiques. J’hésite. Campagne, mer ? Ville ? C’est drôle, je suis certain que si l’on ne partait pas, cela ne changerait rien : le plaisir de la connaître sera le même.

Mais, à l’inverse, si nous nous retrouvons ailleurs, alors s’ouvrira un moment inouï, pendant lequel chacun pourra être vraiment lui-même. Et si elle vient que veut-elle ? Un ami ? Un amant ? Un confident ? Peut-être n’en sait-elle rien, et laissera-t-elle le moment en décider, ces nuances imprévisibles qui font la relation dans sa singularité, dans son originalité.

D’ailleurs, qu’est-ce que je veux moi-même ? La même chose. Le moment rendra évidente la relation qui sera nécessairement heureuse, quelle qu’elle soit.

C’est demain que nous nous retrouvons. Je crois que j’ai décidé. Les billets sont pris. Nous y serons en deux heures. Une heure de route, comme je l’avais imaginé pour une autre destination.

Je suis heureux de cette décision. Comme si tout pouvait être simple, ce qui me change. Comme si elle m’attendait, ce que je veux croire. Comme si je l’attendais, et je l’attends réellement. Demain.

Le lendemain, la caméra qui les épiait depuis le début - la caméra de la vie - les attendait sur ce banc, le banc de leur histoire. Cet endroit de croisement de routes, ce lieu qui focalisait leurs accrocs, leurs attentes…

La caméra de la vie, donc, les attendait patiemment.

Intimement persuadée qu’ils allaient venir l’un et l’autre. Que tout ce temps passé à se rejeter, puis à s’accrocher alternativement, ne pouvait que les inciter à aller plus loin, ou du moins aussi près, l’un à côté de l’autre en ce lieu empreint de rancoeurs, mais aussi de souvenirs et d’espoirs communs.

Chacun avait vécu cette histoire à travers son propre prisme. Chacun d’entre eux avait interprété les réactions de l’autre, sans aucune référence commune. Chacun avec sa propre histoire passée, son caractère, son émotivité, sa sensibilité… Chacun seul avec lui-même, tentant d’être l’autre, en absence… Chacun, chaque un… cherchant l’autre.

La vie, les yeux écarquillés, était là avant eux…

Elle le vit arrivé le premier, loin, regardant discrètement si « Le » banc était occupé… Le voyant vide, il prit un air détaché et s’éloigna un peu, tout en ne le perdant pas de vue… Il la vit arriver de loin… Sa silhouette d’abord, était-ce vraiment elle ou voulait-il à tout prix la voir ? Il attendit un peu… Oui c’était Elle !

Elle se dirigea d’un air dégagé vers ce banc. Elle essayait de ne pas penser, de ne pas focaliser sur cet objet du décor qui l’avait tant blessée.

La caméra de la vie la repéra instantanément, cette femme avait de l’allure, une présence. Elle se dit que ce reportage aujourd’hui allait être captivant. Tout ce qui avait attendu d’être vécu, mais avait été étonnamment partagé à distance, allait devenir réel, tangible, imprimé sur sa pellicule. Elle avait bien fait de venir pour capter toutes ces émotions. Tout le monde le sait, la vie c’est de l’émotion et réciproquement…

Il finit par s’approcher, elle le vit, ils échangèrent un sourire parlant, plein de la joie qu’ils avaient mutuellement à voir que l’Autre était là, plein du bonheur de voir leurs regards sans faux-semblants, de se voir vraiment.

La suite leur appartient… Ne vous inquiétez pas, la caméra de la vie filme…

3 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai, grâce à votre initiative, vos choix photographiques, votre découpage, redécouvert cette nouvelle. Deux mots pour en dire l'atmosphère : sensible et sensuel. Un moment sans équivalent. Merci, Catherine. Sincèrement.
En passant

Kat Imini a dit…

Sourire, merci à vous sincèrement aussi, elle est belle cette atmosphère non ? Les mots sont magiques je trouve, et c'est aussi magique de pouvoir enchaîner aussi bien des bouts de textes l'un à l'autre. Je n'ai fait que vous faire "redécouvrir" ce texte, vos mots en font partie intégrante.

Rom a dit…

Cette "fin" me laisse sur ma faim.
Je la trouve en décalage avec le reste de l'histoire, comme une pièce rajoutée...