lundi 30 juin 2008

Le goût c'est...

Le goût de la vie c’est…
Profiter de chaque instant,
Prendre conscience que tout peut s’arrêter,
D’un instant à l’autre…
Cette frêle petite aiguille qui tourne,
Entraînant dans son engrenage modeste,
Des instants plus longs,
Des minutes, des heures, des années,
Cette frêle petite aiguille,
Un jour,
Sonnera le glas.
Cette prise de conscience se doit d’être positive,
Surtout ne pas regarder le temps qui passe en se lamentant,
Mais savoir que chaque petit bonheur,
Chaque sourire, chaque Bon Jour sincère,
Sont des cadeaux,
Une voix entendue qui résonne,
Des ressentis partagés,
C’est le goût de la vie…

dimanche 29 juin 2008

Magique...

Un soleil au couchant, au levant peut-être,
Et cette fleur d’enfance,
Envie de souffler dessus,
Pour répandre les rayons de lumière.
J’aimais beaucoup le faire,
Je ressentais comme une fierté,
Même sentiment avec les bulles de savon,
Qui mues par mon souffle s’envolaient
A travers le cerceau magique,
Ou les ballons multicolores lâchés par ma petite main
Qui semblaient pouvoir toucher le ciel
Et s’envoler au bout du monde…
Magie de l’imaginaire…

samedi 28 juin 2008

Tite bouille...

C’est attendrissant la candeur d’un enfant,
Expression de curiosité,
Les yeux écarquillés,
La bouche presque étonnée,
Les joues à croquer…
Et ce p’tit bout de nez…
La vie continue…
Elle est si belle parfois…

vendredi 27 juin 2008

Touchée au coeur...

Par vos mots, vos attentions, vos pensées.
Et puis aussi
Par toute l’humanité qui se réveille
Quand une peine tangible nous touche.
Il est parfois des tristesses intérieures, tues,
Qui reçoivent moins de soutien.
Je pense à tous ceux qui sont dans le besoin
Le besoin d’amour bien souvent,
Un besoin qui a tant de mal à s’exprimer,
Ils baissent les yeux, détournent le regard,
Ressentent presque un sentiment de honte.
A tous ceux là,
Je leur offre une fleur, les pétales et le cœur…

jeudi 26 juin 2008

Chariot d'or...

Maddy est partie ce matin,
En plein été,
A l’automne, presque hiver de sa vie.
Depuis, je pleure souvent,
Mais je remplis aussi le chariot d’or,
Ces feuilles au sol,
Symboles de tous les souvenirs partagés.
Je revois des sourires complices,
J’entends nos conversations,
Nos confidences échangées.
Tout l’amour qu’elle me disait
En mots ou en regards,
Je l’entends chanter,
Parler de ses musiciens classiques préférés.
Le chariot ne sera pas assez grand…

mercredi 25 juin 2008

Ressenti...

Envie de danser, de m’étourdir,
De me laisser emporter par la musique,
Quand le corps fait corps avec le rythme,
Une sorte de fièvre enivrante,
Flamenco.
Me laisser glisser sur les sons,
Tourner, taper du pied,
Chanter haut et fort,
Me sentir vibrante de puissance,
Faire sortir la vie qui bat en moi,
La rendre tangible, concrète,
Et y prendre un plaisir intense…

mardi 24 juin 2008

Pour Toi...

Maddy,
Tu es en train de quitter ce monde,
Doucement, paisiblement.
Je pense à toi.
Je t’offre ce paysage que tu aurais aimé,
Du soleil, la nature, des fleurs,
Des si près…
Une église, discrète mais si belle,
Plantée sur la colline,
Dominant ce petit monde qui l’entoure.
Je suis certaine que tu aurais aimé y prier,
Te recueillir.
Je ne suis pas croyante,
Mais je crois que je peux t’offrir ce cadeau par la pensée,
Un bel endroit d’où tu pourras t’envoler…
Vers ton paradis…

lundi 23 juin 2008

Je gargouille...

Comme elle,
Accrochée à la pierre,
Tentant de rester droite,
Même à la perpendiculaire.
Plein le dos,
Mauvais coup, mais cou porté,
La bouche ouverte,
Pour respirer…
Parfois, la vie n’est pas simple,
Mais je ressens un certain plaisir,
A me voir réagir,
Que de chemin parcouru… !
En réfléchissant,
Je vois dans le miroir,
Cette petite fille qui elle aussi,
A su se dresser, grandir,
Contre vents et marées,
Finalement, suite assez logique…
Cela me donne au moins l’occasion,
De la câliner un peu…

dimanche 22 juin 2008

Etonnant...

Une maison au milieu des vignes,
Une maison à la campagne…
Je trouve cela étonnant,
Ce besoin de marquer l’entrée.
Un portail, je comprends,
Des murs autour, ça s’explique,
Mais cette haie,
Grandiloquente…
Qui borne l’entrée,
Ne rien voir à droite, à gauche,
Etre obligé de viser droit,
Labyrinthe unilatéral…
Ne pas s’égarer…
Le fil des mots, le fil d’Ariane
Mais où est le Minotaure ?...

samedi 21 juin 2008

La pression du temps...






Après les images,
Juste quelques mots,
Importants...
Peu lisibles sur la photo,
It's alive inside...

vendredi 20 juin 2008

Côte sauvage...

En plein mois de janvier,
Comme un monde parallèle,
Une autre planète…
L’odeur des embruns,
Le bruit des vagues qui se cassent sur les rochers…
Et ces chemins côtiers,
Bordés de végétation résistante…
Sur lesquels je peux marcher des heures.
Un air du large qui m’ouvre des horizons,
Comme s’il me rendait perméable au bonheur simple,
De respirer, de sentir,
De mettre un pied devant l’autre.
Ce coin de Bretagne me parle à l’âme…

jeudi 19 juin 2008

Jetée sur une rivière d'Irlande...

Bouillonnements, vagues de puissance.
L’homme maîtrise la nature,
La canalise,
Ou du moins il le croit…
Il a l’orgueil de le croire…
Sur son promontoire,
Il savoure sa puissance.
Et moi j’aime ces massifs sauvages,
Qui s’invitent dans la pierre,
Je leur décerne le prix du balcon fleuri…
Chasse la nature, elle revient au galop…

mercredi 18 juin 2008

Echouée... ?

Pourquoi parfois la mer des pensées
Me ramène-t-elle jusqu’à la plage ?
Elle me laisse, me dépose, sur la rive sans espoir de retour.
Sensation que tout est figé définitivement,
Que je vais me dessécher au soleil,
Que tout est perdu.
Peur de rester là,
Peur aussi sans doute du rouleau… compresseur,
Peur de tout et de rien.
Alors, j’essaie de ressentir l’instant présent,
Il fait beau, le sable est chaud,
Rien de grave jusque là,
Bien au contraire…
J’oublie le dessèchement probable,
J’oublie la tempête à venir,
Je savoure et j’apprécie.
Prise dans cette dégustation,
Je n’ai pas pu venir…
La vague qui me reconduit doucement,
A mon océan…

mardi 17 juin 2008

Ouverture...

Sortir des briques uniformes, « claustrophobantes ».
Descendre la fermeture doucement,
Sentir chaque barrette qui s’égrène…
Faire tomber les barrières,
S’ouvrir au monde,
Se découvrir,
Oser se dire,
Se concevoir en s’énonçant,
Comme une naissance.
Les mots sont porteurs,
Comme les murs.
Les mots sont fondateurs,
De liens, d’amitiés, d’amours…
« Je » de mots…

lundi 16 juin 2008

Besoin de vitamines...

Des bols entiers,
Des saladiers,
Des parterres…
Le printemps tarde,
La pluie persistante,
Le ciel gris, plombé…
J’ai du mal.
Besoin de soleil,
D’éclaircies,
De ciel bleu.
La preuve…
La platitude de cet article…
Il serait temps que le temps change…
J’avoue je suis, entre autres,
Sensible au climat,
Grenouille perchée sur son échelle,
Ou caméléon virant au gris…

dimanche 15 juin 2008

Bon signe...

Les iris sont de retour…
Envie de verdure, de soleil, de fleurs…
Envie d’arrêter de penser,
Juste vivre et s’émerveiller.
Anticiper ne sert parfois, souvent même, à rien.
Quand les situations sont ce qu’elles sont,
Que je n’ai aucun moyen d’agir,
La meilleure façon de ne pas subir,
C’est me distancer,
Et goûter à tout ce que j’aime,
Consciemment,
Volontairement,
A Viedement…

Dedans, dehors...

Dedans noir, dehors vert,
Parfois, sans savoir vraiment pourquoi,
Le blues s’installe,
Et curieusement je vois tout en noir.
Cet œil ouvert sur l’extérieur me parle…
Ombré d’ambre,
Cadre d’un tableau naturel,
Il image assez bien mon ressenti,
Je suis dans la pénombre
Mais je sais que le soleil brille
Sur le pré qui n’est pas si loin…

samedi 14 juin 2008

La porte bleue...

Nichée au milieu de pierres immuables,
Une ouverture…
Elle a un peu gardé ses couleurs d’origine,
Elle a toujours sa poignée…
Elle peut encore s’ouvrir,
Elle ne demande que cela…
Il faut juste oser…
Soit frapper et attendre…
Soit tourner la poignée et la pousser…
Une porte, qui plus est bleue…
Ne peut s’ouvrir que sur un nouveau ciel…
De nouveaux mots…
Bleus sans aucun doute…

vendredi 13 juin 2008

Interlude... (sans le petit train, sourire)

Pas facile de revenir, même si je n’étais pas partie…
Après ce « Délicieux quatre mains »…
Un texte long, livré en morceaux…
Comme il a été écrit,
Avec beaucoup de plaisir,
Soit dit « En passant ».
Je n’écris plus tous les soirs depuis quelques jours,
Je ne fais que de la « mise en page ».
J’ai la sensation de ne plus savoir quoi dire,
Comme une nouvelle page de ce blog qui s’est ouverte.
Mes lettres, mêlées à mes chiffres,
Posés en vrac,
Attendent de retrouver une image, une photo, un dessin,
Qui leur ouvriront le chemin…

jeudi 12 juin 2008

Délicieux quatre mains... Suite et fin...

Je passe cette grande semaine devant moi à comprendre. Comment renouer ce que la contrainte d’un temps perdu avait dénoué ? Peut-être même tranché ? A la place de cette femme si séduisante, droite et émouvante, que ferais-je ? Je n’y ai même pas pensé. L’émotion empêche la réflexion, c’est parfois mieux : elle met au pied du mur, elle murmure ce qui vaut parce que c’est la vie qui affirme ses droits.

Elle peut ne pas être là : j’aurai vécu une belle attente, et l’évidence de la valeur de chaque instant, y compris ceux qui ont été manqués. Elle peut être là, pleine de reproches, dans son rôle de femme d’action, castratrice et jouissant de sa toute-puissance. Je crois que je rirai… Et qu’elle rira aussi, parce que ce masque est trop étroit pour elle, la contraint à respirer un air qu’elle n’aime plus. Nous verrons.

Je ne pense pas à ce qu’elle fera. Je verrai.

Quoiqu’il se passe, j’irai là où je désire que nous nous retrouvions, dans le train, puis dans cette gare, et, après une heure de route… Et si je changeais de destination ?

Voilà aussi cette semaine pour hésiter, rêver, me surprendre pour que les choses me déconcertent autant j’aimerais qu’elle le soit.

Les jours passent, à reprendre les activités routinières. Ce qui est rassurant c’est que ces quatre mois n’ont pas vraiment laissé de traces. Les collègues me regardent bien un peu comme un rescapé, mais semblent aussi s’en moquer : il est de retour, il fait ce qu’il a à faire, tout rentre dans l’ordre. Le soir je lis des guides touristiques. J’hésite. Campagne, mer ? Ville ? C’est drôle, je suis certain que si l’on ne partait pas, cela ne changerait rien : le plaisir de la connaître sera le même.

Mais, à l’inverse, si nous nous retrouvons ailleurs, alors s’ouvrira un moment inouï, pendant lequel chacun pourra être vraiment lui-même. Et si elle vient que veut-elle ? Un ami ? Un amant ? Un confident ? Peut-être n’en sait-elle rien, et laissera-t-elle le moment en décider, ces nuances imprévisibles qui font la relation dans sa singularité, dans son originalité.

D’ailleurs, qu’est-ce que je veux moi-même ? La même chose. Le moment rendra évidente la relation qui sera nécessairement heureuse, quelle qu’elle soit.

C’est demain que nous nous retrouvons. Je crois que j’ai décidé. Les billets sont pris. Nous y serons en deux heures. Une heure de route, comme je l’avais imaginé pour une autre destination.

Je suis heureux de cette décision. Comme si tout pouvait être simple, ce qui me change. Comme si elle m’attendait, ce que je veux croire. Comme si je l’attendais, et je l’attends réellement. Demain.

Le lendemain, la caméra qui les épiait depuis le début - la caméra de la vie - les attendait sur ce banc, le banc de leur histoire. Cet endroit de croisement de routes, ce lieu qui focalisait leurs accrocs, leurs attentes…

La caméra de la vie, donc, les attendait patiemment.

Intimement persuadée qu’ils allaient venir l’un et l’autre. Que tout ce temps passé à se rejeter, puis à s’accrocher alternativement, ne pouvait que les inciter à aller plus loin, ou du moins aussi près, l’un à côté de l’autre en ce lieu empreint de rancoeurs, mais aussi de souvenirs et d’espoirs communs.

Chacun avait vécu cette histoire à travers son propre prisme. Chacun d’entre eux avait interprété les réactions de l’autre, sans aucune référence commune. Chacun avec sa propre histoire passée, son caractère, son émotivité, sa sensibilité… Chacun seul avec lui-même, tentant d’être l’autre, en absence… Chacun, chaque un… cherchant l’autre.

La vie, les yeux écarquillés, était là avant eux…

Elle le vit arrivé le premier, loin, regardant discrètement si « Le » banc était occupé… Le voyant vide, il prit un air détaché et s’éloigna un peu, tout en ne le perdant pas de vue… Il la vit arriver de loin… Sa silhouette d’abord, était-ce vraiment elle ou voulait-il à tout prix la voir ? Il attendit un peu… Oui c’était Elle !

Elle se dirigea d’un air dégagé vers ce banc. Elle essayait de ne pas penser, de ne pas focaliser sur cet objet du décor qui l’avait tant blessée.

La caméra de la vie la repéra instantanément, cette femme avait de l’allure, une présence. Elle se dit que ce reportage aujourd’hui allait être captivant. Tout ce qui avait attendu d’être vécu, mais avait été étonnamment partagé à distance, allait devenir réel, tangible, imprimé sur sa pellicule. Elle avait bien fait de venir pour capter toutes ces émotions. Tout le monde le sait, la vie c’est de l’émotion et réciproquement…

Il finit par s’approcher, elle le vit, ils échangèrent un sourire parlant, plein de la joie qu’ils avaient mutuellement à voir que l’Autre était là, plein du bonheur de voir leurs regards sans faux-semblants, de se voir vraiment.

La suite leur appartient… Ne vous inquiétez pas, la caméra de la vie filme…

mercredi 11 juin 2008

Délicieux quatre mains (5)...

Quatre mois s’étaient écoulés. Dans le silence, la colère, la tristesse, la déception, la honte aussi. Quelle situation absurde. Je m’étais découvert amoureux d’une femme que j’avais d’abord considérée insupportable de résolution et de maîtrise. Nous devions nous retrouver.

Tout à cette pensée et au plaisir qui l’accompagnait j’avais traversé la rue sans prendre garde : une voiture de la Mairie, électrique donc silencieuse, m’avait renversé. Chute sur la tête ; coma de deux semaines, fractures multiples. Perte de mémoire momentanée. Puis reconquête de mon corps, de mes souvenirs, de mes activités, de mon autonomie.

Me voilà à délibérer : faut-il la contacter ? Elle va me prendre pour un imbécile ou un menteur. Je dois prendre ce risque : ce que nous avons tissé le mérite, et si elle ne me croit pas … On verra ! Je veux prendre ce risque. Je lui écris.

« Madame,

Vous m’avez attendu, je n’en doute pas. Peut-être avez-vous pensé que j’étais une girouette sans suite dans les idées, ou un « fantasmeur » impuissant ; vous avez eu tort. Peut-être avez-vous cherché à me retrouver, en vous disant que je n’avais pas pu oublier un tel rendez-vous ; vous avez eu raison sur ce point. J’ai été accidenté. Cela paraît stupide. Ce n’est pas une excuse, mais une explication.

La vie a dû continuer pour vous et des hommes n’ont pu que chercher à vous séduire. Vous m’avez oublié. Sachez que ce n’est pas mon cas. Maintenant remis, je souhaite vous revoir. J’ai un peu modifié mon projet, mais pas sur le fond. Je vous propose de faire comme si quatre mois n’avaient pas passé.

Je vous propose à nouveau de me retrouver dans dix jours, le…, à la même heure que notre première rencontre, sur le même banc. Le reste sera comme je vous l’avais décrit. Vous accepterez alors de me suivre. Sans m’interroger. Vous aurez pris un jour de congé. Nous prendrons le train. Rien de ce qui se passera n’aura lieu contre votre volonté. Vous le découvrirez.

Dans l’attente de cette rencontre, veuillez croire, Madame, à l’expression de mon émotion toujours vive, dont vous êtes la cause et l’objet. »

Voilà. Je ne vois pas ce que je pourrais faire de mieux. Sinon de confier cette lettre à un fleuriste. Quelles fleurs ? Des tulipes. Si ma lettre lui est indifférente, au moins les pétales au galbe qui me ravit lui proposeront de garder de moi un souvenir plaisant, calme, peut-être caressant.

Elle était allée au rendez-vous, le bon jour, une semaine après leur première rencontre, à la même heure, sur le même banc. Elle avait au début patienté, puis elle avait fini par attendre, presque deux heures, des empêchements de dernière minute ne sont pas prévisibles, il n’avait pas son numéro de portable, il ne pouvait pas la prévenir. Elle trouvait des raisons, des excuses, elle raisonnait.

Une chose était sûre elle ne savait où le joindre, si elle partait prématurément, elle porterait la culpabilité de l’avoir perdu. Au bout de ces deux heures interminables, elle se résolut à renoncer à lui. Elle se dit rien ne présageait le croisement de nos routes, si nous devons vivre plus, nous nous recroiserons.

Elle ne pouvait pas rentrer chez elle comme ça, elle avait besoin de ne pas renoncer à tout. Elle hésita même à prendre un train, le premier accessible à cette heure, le hasard des horaires SNCF déciderait à sa place, elle voulait partir pour elle ne savait pas où, elle devait partir pour où il savait…

Les jours suivants, elle lui en voulut mais cependant, arrivant ou partant du bureau elle espérait le croiser, elle se disait qu’il viendrait, qu’il souhaitait juste la mettre à l’épreuve, là tester… Mais rien. Au fil du temps, elle se dit que ce n’était qu’un beau parleur, qu’il n’avait pas osé aller au bout de cette rencontre improbable, que sa lettre n’était que du rêve facile, une forme de prétention qu’il n’avait pu assumer.

Puis les mois passèrent, elle reprit sa vie qui lui semblait encore plus monotone, même si, durant ses heures de travail, elle se donnait l’illusion d’avoir sa place et d’être incontournable.

Le soir ou la nuit parfois, elle repensait à cette histoire qu’elle aurait aimé poursuivre, ne serait-ce que pour savoir…, par curiosité, mais aussi par impatience, par envie de vivre autrement, de sentir son ventre et son cœur palpiter, de sentir son regard à lui sur elle.

Il l’avait perturbée, dans le sens «réveillée», elle avait du mal à se rendormir.

Un soir, rentrant d’une journée harassante, où elle avait voulu, comme à son habitude, jouer le premier rôle, elle releva sa boite et prit son courrier d’un coup de main sans y prêter attention. Une foule de prospectus comme à l’accoutumée…

Elle ouvrit sa porte, alluma la lumière et d’emblée elle eut envie d’une douche chaude, d’un peignoir moelleux et de passer une soirée détente sur son canapé.

Elle jeta le courrier sur le meuble de l’entrée et alla directement dans la salle de bain. Débarrassée de son costume de femme d’affaires, elle ouvrit l’eau chaude et ferma les yeux. Son corps avait besoin de chaleur, de détente, de se laisser être. Elle resta de nombreuses minutes, l’eau résonnant sur sa tête et ruisselant le long d’elle, la vapeur commençait à s’installer et la détente à se poser sur elle. Elle se décida à en sortir et se blottit dans son peignoir douillet.

Elle sortit de la salle de bain, ouvrit le frigo, prit deux yaourts, deux fruits, se fit chauffer de l’eau pour un thé vert.

Elle se sentait détendue, retrouvée, ancrée, presque prête à dormir.

Elle rejoignit le canapé et juste au moment où elle allait s’allonger l’interphone sonna.

«Non, je n’ai envie de voir personne !!!». Elle hésita et finalement répondit : «Oui» «C’est pour une livraison de fleurs», «Vous devez faire erreur», «Non, vous êtes bien Madame … ?» «Tout à fait, je vous ouvre». Elle se demanda qui pouvait bien avoir cette attention à son égard, puis repensa au jeune écrivain qu’elle avait reçu aujourd’hui, mais il n’avait pas son adresse… On sonna à la porte, elle ouvrit, le livreur lui tendit un bouquet de tulipes, de celles qui ont des pétales qui semblent découpés, de couleurs irisées, sur le papier du bouquet une enveloppe était agrafée. Elle le remercia et referma la porte.

Sur cette enveloppe blanche, une écriture qui de suite la fit frissonner… «Non ! Il n’a pas osé quand même ! Il ne va pas me rejouer le sketch du rendez-vous sur le banc ?». Elle fut tentée de jeter l’enveloppe sans l’ouvrir, les fleurs ce serait dommage et injuste, elles n’y sont pour rien. Puis elle se revit, sur ce banc à patienter, elle se rappela qu’elle n’avait pas osé partir, qu’elle l’avait attendu presque deux heures. Elle ouvrit l’enveloppe et lut. Elle était étonnée, ne savait que penser de ce qu’elle découvrait. Etait-il à ce point machiavélique pour oser se jouer encore d’elle ? Qui sait, peut-être en manque de proie? Ou son histoire, aussi incroyable qu’elle pouvait paraître, était-elle vraie ?

Elle ne savait plus que penser. Elle décida d’aller dormir, si elle y parvenait, et de prendre une décision claire et définitive au réveil, la nuit, dit-on, porte conseil.

Elle se coucha mais son esprit ne pouvait s’arrêter de revisiter leur histoire, si brève fut-elle. Elle eut beaucoup de mal à trouver le sommeil.

Quand le réveil sonna, elle n’en crut pas ses oreilles. Elle se força à reprendre ses esprits, et là, elle se dit «Je serai au rendez-vous».

mardi 10 juin 2008

Délicieux quatre mains (4)...

Cette Dame – comment la nommer autrement ? – joue à ravir. Mais elle présente quelques transparences. Comment peut-on dire «j’ai besoin d’être conquise, je vous veux conquérant» ? Ce «je … veux» trahit tant la conquérante. Et ce départ si lumineux !

Je suis non pas la proie mais la conquête. Je dois parvenir à procéder autrement qu’elle. Pour ce plaisir du jeu qu’elle m’offre. Pour ce plaisir de jouer qu’elle me demande. Désirer est plus grand qu’avoir obtenu. On se sent vivre, alors que lorsque le but est atteint, on peut presque dire que l’on a vécu. Comme dans l’amour : le vrai plaisir réside dans les caresses, la découverte des vibrations du corps de l’autre et l’harmonie que l’on parvient miraculeusement à obtenir en découvrant ses propres vibrations à l’unisson. Le vrai plaisir atteint son apogée en même temps qu’il commence à disparaître ; et lorsque l’on s’en aperçoit il a commencé à décliner. Enfin, pour un homme ; peut-être pas pour une femme.

Voilà ce qui me donne l’expérience du bonheur s’installant : l’ouverture et non la clôture dans l’obtention soudaine, trop hâtive, d’une relation amoureuse dans laquelle les corps se trouvent tôt, Trop tôt pour avoir eu le temps de se deviner, de se désirer, de jouir de l’absence. Il n’y en aura peut-être jamais.

Je la regarde partir. Etonné ? Non. Heureux. Pas de son départ, mais du commencement qu’il inaugure.

Je me rappelle. Eva. Je l’avais connue en allant chez le dentiste. J’attendais, en feuilletant un magazine people. Elle entre, s’installe, joue avec son portable, passe deux ou trois appels. Le dentiste apparaît et m’appelle. Je prends le temps de reposer ma lecture… elle est allée jusqu’à lui, en lui assurant qu’elle doit lui montrer la dernière nouveauté des laboratoires Machin… Une visiteuse médicale. Je vais pour protester, le dentiste me demande de patienter : «cinq minutes, pas plus». Je reprends ma place.

Une demi-heure plus tard, elle ressort, le sourire dans la voix. Se réinstalle dans la salle d’attente. Je la regarde avec colère, elle m’ignore, le dentiste m’appelle. Après les soins (une simple radio, je crois), je sors. Elle est devant l’ascenseur. J’hésite à le prendre, il arrive ; j’y vais. Elle profite de la promiscuité pour m’adresser un : "je suis désolée pour votre attente". Je la coupe : «Cela m’étonnerait, vous avez vendu votre quincaillerie ou vos poisons, vous allez toucher une com, alors le retard qu’il faut que j’accepte, cela vous est complètement égal !».

L’ascenseur ouvre sa porte. Nous sommes arrivés. Elle se précipite, moi aussi. Nous nous bousculons. Elle perd l’équilibre, je la rattrape mécaniquement. Elle en profite : «N’essayez pas de jouer le gentleman, mais merci quand même… » et elle éclate de rire. Je lui présente mes excuses. Sans comprendre pourquoi je commence à lui parler de son boulot, on marche, un café est là, on entre, on discute deux heures. Et elle part. Elle avait laissé sa carte. Je l’ai appelée deux jours plus tard. Nous nous sommes vus jusqu’à ce qu’elle s’installe en Provence. Depuis plus de nouvelles. Mais des souvenirs de plaisirs partagés. Sans enjeu autre que le plaisir de se voir, et, au bout d’un mois, de s’aimer.

Mais j’y pense : je ne sais pas comment la contacter… Il me faudra l’appeler à son travail. Mais elle sera redevenue Cerbère. La rattraper ? Elle a déjà disparu. Encore un beau souvenir ?

Je rentrai chez moi. Cette rencontre que j’avais voulue mais qui s’était déroulée de manière si inattendue roulait dans mon esprit. Je ne pus que reconnaître ma maladresse et le charme de cette femme. Si j’avais été, non pas intelligent mais sensible, nous passerions une soirée certainement très agréable. Au lieu de cela, me voilà de retour dans un confort commun, routinier. Inutile. Rassurant, mais inutile.

Je cuisinai des œufs brouillés, une salade composée (tomates, pommes, céleri branche, comté, batavia, raisin). De l’eau. En faisant la petite vaisselle qui en résultait, j’eus l’idée de lui écrire. Pourquoi pas ? Il était exclut que je laisse cette rencontre sans lendemain possible. Le téléphone, je ne me sentais pas capable de savoir me situer à chaque instant ; je ne suis ni stratège ni tacticien. L’écrit a ma préférence. Mais que lui dire ?

« Madame,
Votre main prenant la mienne a marqué d’une douceur que je ne soupçonnais pas lorsque vous nous avez emmené dans cette brasserie. J’étais trop surpris du plaisir que j’éprouvais tout en me le cachant. Vous avouer que votre charme a opéré serait trop banal pour que vous prêtiez attention à ce que je vous confie. Alors je n’insisterai pas, même si je vous l’aurai dit, ou plutôt écrit. Reconnaître que vous êtes présente dans ma nuit vous paraîtra tellement creux que vous n’y prêterez pas attention ; je vous en informe cependant.

Ces quelques mots vous présentent mes remerciements pour le trouble que vous avez suscité dans la vie d’un homme un peu emporté, désormais heureux de ce qui ne sera qu’une parenthèse, si vous n’acceptez pas de le retrouver une semaine après la première rencontre, à la même heure, sur le même banc. Vous accepterez alors de me suivre. Sans m’interroger. Vous aurez pris un jour de congé. Nous prendrons le train. Rien de ce qui se passera n’aura lieu contre votre volonté. Vous le découvrirez.

Dans l’attente de cette rencontre, veuillez croire, Madame, à l’expression de mon émotion dont vous êtes la cause et l’objet. »

Elle reçut une lettre à son nom, pas une publicité, l’adresse était manuscrite. Elle ne recevait que très peu de courrier, non parce qu’elle ne communiquait avec personne, mais parce que ses modes d’échanges étaient plus rapides, plus instantanés, plus technologiques, fugaces. Elle avait perdu l’habitude des lettres tracées à la main, des lettres qui ne ressemblaient à aucune autre lettre, du cousu main. Elle fréquentait le monde du « prêt-à-porter », « prêt à aimer » aussi, ou ce serait plus juste du « prêt à consommer ».

Imaginer que quelqu’un ait pu prendre le temps d’écrire, de tracer avec un stylo des lettres pour traduire un ressenti, une envie peut être même, à son attention, en pensant donc un minimum à elle, l’émouvait, la touchait, la surprenait.

Elle s’étonna de se voir humer l’enveloppe, pensant reconnaître l’effluve d’une « conquête » récente. Elle jouait, elle prenait le temps de savourer l’avant, l’avant qui lui donnait l’occasion inattendue de se pencher sur ses véritables attentes.

Ensuite, elle retourna l’enveloppe, persuadée que rien n’y était inscrit, juste pour prolonger encore ces instants de doutes qui lui faisaient battre un cœur qui ne savait plus qu’il battait. Rien, aucun nom, aucune adresse.

Elle se raisonnait. Finalement, ce ne pouvait être qu’une de ces invitations à des soldes privées, dans un magasin où elle n’avait mis les pieds qu’une fois, elle avait payé par chèque et depuis faisait partie intégrante du listing sans fin des clients ultra privilégiés.

Elle ne voulut pas déchirer de ses doigts l’étui de papier qui lui permettait encore de rêver à un contenu inattendu, mais secrètement espéré.

Elle se saisit de ce coupe-papier en ébène dont elle aimait tant le contact, un bois vivant, doux, robuste, vibrant.

Elle se résolut à faire cesser cette parenthèse d’évasion gratuite, presque jouissive, qu’elle s’était accordée.

Et, là, elle lut...

Et, là, dans sa nuit à elle, elle sentit qu’il était là aussi.

Elle ne le remerciera pas pour le trouble qu’il a suscité, elle ne lui dira jamais.

Mais elle fut persuadée à cet instant qu’elle serait au rendez-vous.

Elle aimait la façon dont il se « dépassait ». Elle aimait qu’il ait osé lui demander de le suivre, sans l’interroger. Elle aimait l’idée de partir avec lui sans savoir ni où, ni vers quoi il l’emmenait. Elle avait confiance en lui naturellement, mais sa phrase « rien de ce qui se passera n’aura lieu contre votre volonté » la rassurait et aussi l’excitait, elle le ressentait dans son corps à chaque relecture. Comme si elle s’abandonnait à lui, volontairement, en toute sincérité, en toute quiétude, mais aussi pleine de curiosité, de pétillements, d’impatience, de désirs même, finit-elle par s’avouer.

Cet homme la surprenait, elle en était embellie, elle avait une soif intense de vie, elle le rejoindrait, le suivrait, lui obéirait pour leur plus grand plaisir à tous les deux. Elle le pressentait au plus profond de son âme.

lundi 9 juin 2008

Délicieux quatre mains (3)...

Je ne savais pas où j’en étais. Quel enchaînement de situations improbables… Comme tout ce qui arrive de plus intéressant dans la vie. Plus que ce que je rencontre jour après jour, à peu d’exceptions près. Il y en a eu cependant : des flirts d’adolescent, Marie qui m’a révélé qu’aimer n’était pas souffrir, mais qui a vite disparu, et m’a fait souffrir, et Eli qui a enchanté ma vie. Mais tout ceci paraît loin. Je prends sa main, à nouveau. Elle la laisse. Je l’embrasse mais pas comme tout à l’heure, en la regardant dans les yeux, avec un léger sourire. Qu’elle me rend. Je caresse sa joue. Elle me laisse faire.

"Je me sens un peu idiot, ici, dans la rue. Comme en représentation alors qu’il n’y a pour nous que nous… je sais c’est un peu maladroit comme expression. Elle énonce cependant ce que j’éprouve à l’instant. Ne pourrions-nous pas aller au moins dans un café ?".

"Accepteriez-vous de me suivre ?", me répond-elle. Sa main dans la mienne me guide.

"Les soirs sont beaux à cette période de l’année. Encore chauds, mais avec une pointe de fraîcheur sous les arbres. J’aime en profiter pour rêver à ce que je ne suis pas, à ce qui me manque, avec mélancolie parfois, mais aussi pour me délasser des contraintes de la répétition. Vous m’offrez l’occasion de rompre avec cela et de jouir mieux de ce moment qui est parfois délicieux" .

Je ne la croyais pas capable d’une telle confidence qui ne paraît pas feinte, calculée. Comme si elle avait retiré ses bas devant moi pour que l’air caresse sa peau, ce qu’elle s’interdit au travail. Serait-elle sensuelle ? Elle interdit de simplement l’imaginer et soudain elle vous offre ce présent. Je m’autorise à lui serrer légèrement la main. Elle me répond en la pressant trois fois avec délicatesse.

Puis elle s’arrête. "Je vous laisse le choix entre la Brasserie de la Paix, parfois un peu bruyante, mais avec quelques tables isolées et chez moi, juste en face, au quatrième".

J’hésite à peine. "Au risque de vous surprendre, je choisis la Brasserie. Le temps de se connaître un peu mieux, de comprendre ce qui se passe, de décider de manière un peu assumée s’il y a lieu de poursuivre ou de différer, ou même de se séparer simplement, sans arrière-pensée. La possibilité de faire du temps un véritable allié. Je ne vous déçois pas, au moins ?".

"Le contraire m’aurait déçu. Je veux dire si vous n’aviez pas choisi, ou si vous aviez trop hésité. Votre choix, clair, est le mien puisque je l’avais sollicité".

Nous entrons dans la Brasserie. Le serveur, sûr et un peu obséquieux, nous guide vers un box. "Madame et Monsieur pourrons discuter sans être gêné par le bruit ou le voisinage".

Je la débarrasse de sa veste. Elle porte un corsage léger avec de fines bretelles. Les épaules gracieuses. Mes lèvres se retiennent de se poser sur elles, juste pour humer son parfum et éprouver la délicatesse de cette peau.

"Allons, asseyez-vous. Mon épaule ne mérite pas votre attention".

Je rougis d’avoir été découvert. "Lisez-vous dans l’esprit des hommes ? Profitez-vous ainsi de votre don pour utiliser leurs faiblesses à votre bénéfice ?".

Elle rit. "Je n’ai aucun don, je vous voyais dans le miroir qui me fait face".

Je suis décidément bête, ou bien elle me rend bête. A croire que je désire qu’elle lise en moi à livre ouvert, qu’elle prenne sans cesse l’initiative, et qu’elle fasse de cette soirée commençante la première marche vers un moment de tendresse et de plaisir. Ne t’emballe pas Charles. Elle t’a séduit. Aie au moins l’intelligence de faire de même à son égard. Et tu verras ensuite si elle t’accorde ses faveurs, ou si tu rentreras après un moment sympa, mais finalement frustrant. Accepte de désirer, et cherche à faire naître le désir. Si tu y parviens tu auras au moins vécu des minutes intenses, même si c’est en face à face dans une brasserie.

Le garçon nous rejoint. "Avez-vous choisi ?".

"Deux verres de votre Jurançon, bien frais, s’il vous plaît. Cela vous convient, n’est-ce pas ? » J’acquiesce. « Avec un peu de votre terrine de lièvre". Il s’éloigne.

"Je connais le lieu ; vous ne serez pas déçu" me dit-elle en souriant. Je me rends compte alors qu’un pied parcourt ma jambe, se pose sur ma cuisse. En attente. Ma main droite glisse vers la cheville offerte. Pour la caresser. Puis, la reprenant, j’y dépose un baiser qui ira trouver sa demeure sur ce pied.

"Madame, votre délicatesse et votre franchise me vont droit à l’âme. Je ne m’étais pas trompé, vous êtes une conquérante. Et je ne suis pas loin de rendre les armes, avec bonheur".

"Sourire, nous retournons à nos premiers mots, je suis une conquérante pour Vous, vous n’êtes pas loin de rendre les armes.

Et bien, je vais vous laisser, disparaître, m’absenter.

Je repense au moment où je vous ai vu, dans le miroir, me regarder les épaules avec gourmandise et la discrétion qui vous caractérise.

Je voudrais, j’aimerais, si vous le souhaitez aussi bien sûr, jouer avec Vous justement au jeu des miroirs.

Je pense, je me trompe peut être, que nous avons tous tendance à révéler au monde une de nos "apparences " qui n’est souvent là que pour "masquer" nos désirs inavoués.

Je vous vois (vous vous montrez) tout à la fois rebelle et soumis, raisonnable et fou, enfermé conscient et ouvert volontaire. Ambiguïté, contraste, complémentarité, complexité, complétude. La note dominante que je perçois chez vous me laisse à penser que vous aimeriez que je vous emporte dans mon monde, que je vous séduise, que je vous tende une cheville que vous auriez plaisir à embrasser.

La note dominante que vous percevez chez moi vous laisse à penser que je vais le faire.

Je pense, moi, que nous avons besoin de ce fameux miroir, qui nous amène quand nous tentons des gestes, à ne plus savoir si nous sommes droitier ou gaucher.

Inversés, l’envers du décor, le négatif de l’apparence, négatif dans le sens photographique, révélateur...

Je pense, (le "je" n’ayant rien de péremptoire, ni de prétentieux ; le "jeu" me semblant édifiant), que nous pourrions pour une fois, "la nôtre", prendre le temps de nous montrer, nous découvrir, vraiment.

J’ai la sensation que je suis, en réalité, moins conquérante que vous. Je me défends, me protège avec cette image. Au même titre, que vous n’avez aucun besoin d’attendre que je vous impose, même avec envie, quoi que ce soit.

J’ai besoin d’être conquise, je vous veux conquérant.
J’ai besoin d’être soumise, libre de l’être, je vous veux maître de vous même.

Je vous laisse à vos pensées, à ce que vous savez "être", oserez-vous me rappeler, l’avenir nous le dira… ".

Elle se leva et partit si rapidement qu’aucun argument n’était à cet instant opposable.

Il resta, assis, pensif… Mais de quel droit le bousculait-elle ainsi ?...

dimanche 8 juin 2008

Délicieux quatre mains (2)

Tu as aimé ma révolte ?, me suis-je dit en écho, étonné, soufflé, abasourdi. Mais qui est-elle ? Elle me demande si j’aimerais sa reddition … Que lui ai-je demandé ? Est-ce que dans les maisons d’édition, on est habitué à transformer aussi facilement les relations professionnelles (celle avec la clientèle, par exemple) en relations personnelles, privées ? En plus, je ne l’ai même pas draguée. Et d’ailleurs je suis assez minable dans cet art assez subtil, mais qui paraît parfois d’une telle grossièreté qu’on a l’impression qu’une main au cul suffit.

Je ne sais pas combien de temps ce monologue intérieur a duré. Elle me regardait avec un léger sourire dans les yeux. Que disait-il, ce sourire ? Était-ce une avance grossière pour un divertissement ponctuel, une sorte de sas de décompression après une journée éprouvante – un peu comme un bain, où l’on délivre le corps de ses tensions par un abandon dans une eau qui vous porte, vous entoure, à des caresses que l’on s’accorde, en signe de réconciliation avec soi - ? Était-ce une sorte de coup de foudre ? Etait-ce le fruit d’une émotion plus complexe, le désir de jouer de l’inconnu, de l’instant, de tenter le plaisir de la rencontre, sans penser à demain, sans l’exclure, pour voir ?

«Écoutez, je ne comprends pas bien ce qui se passe. Vous vous en rendez certainement compte... Je ne vois aucune reddition dans votre discours… Vous êtes une conquérante, et vous savez que la ruse peut remplacer l’attaque frontale. Pensez au Cheval de Troie. Vous me troublez… ».

Je me tus, tant j’avais conscience d’avoir perdu la main, et perdu pied ! Me laisser emporter par la proposition à demi-mot de Madame Z – d’ailleurs comment se prénomme-t-elle ?- serait apparemment simple, mais …

Elle pose sa main sur la mienne, je la prends sans même m’en rendre compte, ému qu’elle ait abandonné le registre du discours pour celui, plus subtil, du toucher, de l’émotion à partager.

Sans bien m’en rendre compte, sans projet, comme avec naturel, je porte cette main à mes lèvres, les pose à peine, assez pour être conquis par son eau de toilette, un peu cannelle, un peu fraîcheur. La place forte tombe. Je sens que je suis sur le point de lui avouer que je suis célibataire ce week-end. Que mon épouse et mes filles sont chez mes beaux-parents. Que je reste pour finir un travail dont je ne vois pas le bout. Que j’ai envie de vivre un autre amour que celui qui existe avec mon épouse, et qui est réel, mais balisé par une histoire. Que sa franchise me plaît. Que j’aime les femmes. Que je suis prêt à faire sa connaissance, parce qu’elle m’offre une image valorisante de moi-même – qui m’a jamais réellement dragué ? -.

Au lieu de cela, je lui souris. Repose sa main. La remercie de cet instant délicieux, mais trop improbable et bouleversant pour moi.

Je me lève, et pars, conscient de laisser mon âme dans son regard.

Je le vois se lever, partir, et je ne sais pourquoi je l’interpelle : «Attendez. nous nous trompons tous les deux. Vous me pensez conquérante, vous supposez que j’ai besoin de me distraire d’une journée difficile, que je suis sans aucun doute coutumière de ce genre d’arrogance, que je vous drague même ! Moi, je supposais, ce qui m’a sans doute rendue audacieuse, que vous étiez combatif, que vous relèveriez le défi. Tout ceci pour vous dire, que nos masques sont parfois bien trompeurs. Je ne suis pas celle que vous croyez, ou plus encore je ne suis pas celle que je vous ai montrée. Je cherchais en vous le rebelle qui saurait calmer en douceur mes ruades, me rendre à Vous. Et vous partez, vous vous rendez… mais pas à moi. J’aime votre sincérité, votre douceur retrouvée, qui n’est en rien faiblesse, mais réaliste, raisonnable. J’aime le vitrail de votre âme, contrastée, révoltée et pourtant si maîtrisée. Mais… la vie vaut d’être vie, et si Vous Nous donniez une chance ?... ».

Son visage traduit à la fois étonnement, curiosité, peur attirée… Je sais qu’il hésite, qu’il ne sait si je le moque ou si je suis sincère, qu’il craint de déraisonner, de se perdre, d’ouvrir une fenêtre dont l’air pourrait l’étourdir, lui faire pousser des ailes…

«J’aimerais que nous nous accordions le temps de nous connaître, je ne vous promets rien, si ce n’est sincérité, respect, transparence (ce qui pour moi est valeurs). Le voulez-vous ? Écrivons une histoire qui sera nôtre, dévoilons nous pour nous apercevoir, cessons d’appartenir à nos rôles sociaux, professionnels, familiaux, culturels. Révélons nous… Le voulez vous ? Montrez vous à moi, je me montrerai à vous. Prenons le risque de nous voir, de nous partager. Le voulez vous ?» .

Il s’assit à nouveau, je fis comme lui. Côte à côte, unis sans le savoir encore par cet instant de vérité. Osant peut être, l’un et l’autre, affronter sa vie, mais surtout acceptant respectivement de la partager vraiment… Ne serait-ce qu’une minute.

samedi 7 juin 2008

Délicieux quatre mains (1)...

J'avais, au début de mon blog, publié le début de ce texte. Je ressens aujourd'hui l'envie de laisser ici la suite de l'histoire. Parce que ce texte a trouvé sa "fin". J'ai donc supprimé le premier article pour vous livrer chaque soir, six soirs, un morceau et que la lecture en soit facilitée. J'espère que vous prendrez du plaisir à le lire au fil des jours comme nous avons pris du plaisir à l'écrire, j'espère que bien que ces textes soient plus longs que ceux que je pose ici habituellement, vous lirez jusqu'au bout et aurez plaisir à revenir le lendemain. C'est en une histoire écrite à quatre mains, comme une partition partagée, comme des notes qui en entrainent d'autres. Ce texte ne m'appartient pas, nous l'avons composé avec "En passant", François, écrivant tour à tour à la suite des mots de l'autre, un bel échange... Merci à lui... Sincèrement.

Quand je regarde nos mains, paume contre paume, puis qui se prennent après s’être cherchées, j’éprouve un ravissement. Jamais je n’aurais pensé que nous nous trouverions, que nos corps, après nos âmes, trouveraient le chemin l’un de l’autre.

Tout avait commencé assez mal. J’avais appelé un éditeur pour me plaindre de la manière dont était imprimée une œuvre pour moi majeure. Renvoyé de service en service, je m’étais retrouvé avec une voix féminine, assez ferme, un peu grave, peut-être voilée par la fréquentation de la fumée de tabac, une voix qui me répondit qu’elle pouvait me proposer un rendez-vous le vendredi suivant à 18h45 au secrétariat de Madame A. pour discuter de mes propositions en matière de mise en pages et de packaging.

Et, avant même que je réponde que je n’étais pas libre et que l’on ne pouvait pas disposer de mon temps avec un tel mépris, tu avais raccroché. Bien sûr, je me suis libéré : je me sentais provoqué, et j’avais décidé de dire ce que je pensais à cet adjudant !

Le vendredi, le livre en question en main, j’arrivai avec dix bonnes minutes d’avance. On me fit patienter. «Madame Z., l’assistante de Madame A., va vous recevoir dans cinq minutes. Elle est en rendez-vous avec un auteur.» Vingt bonnes minutes plus tard, le fameux auteur – un présentateur crétin de variétés sur TF1 – sortait, faisait la bise à je ne sais qui, je ne voyais pas, puis dirigea sa prétention à deux balles jusqu’à la porte qu’il ne ferma pas, ce qui me permit de l’entendre dragouiller la personne qui m’avait reçue. Il l’aurait prise sur son bureau que cela ne m’aurait pas étonné, si cette même personne n’était apparue très rapidement pour m’introduire chez Madame Z., toi.

En même temps qu’elle m’accompagnait, je me fis la remarque que son empressement lui permettrait certainement de faire disparaître le dernier empêcheur de baiser en rond les secrétaires stagiaires en fin de journée sur leur lieu de travail par une célébrité digne des animations d’hypermarché.

Tu portais un parfum frais, aux arômes d’agrumes. Tu me regardas directement, directivement, un peu comme un cocher devait fouetter un animal têtu qui refuse d’avancer. Tu me fis asseoir, et je ne pus m’empêcher de regarder tes jambes, certainement pour me détendre – j’aime les jambes des femmes, parce qu’à partir d’elles j’imagine ce que je ne vois pas, et je commence à fantasmer… sauf que tu me dis sévèrement : «Bon, alors Monsieur U, qui êtes-vous pour vous permettre de critiquer la collection dans laquelle est paru ce roman ?».

Et elle me le montra. J’ai commencé par me lever, et montrer le laisser-aller des marges mal calibrées, la police discutable… Elle me demanda de me rasseoir. Je refusai. Elle me fit sortir. Tout cela ne dura pas plus de deux minutes. La stagiaire n’était plus là ; mon hypothèse à son propos se révélait, en partie au moins, fausse. J’étais en colère.

Je m’assis sur un banc, devant l’immeuble où se trouvait la maison d’édition. Je regardais pendant une dizaine de minutes les voitures, les passants, les pigeons, le trottoir, pour faire retomber un peu la pression.
Madame Z. – toi – sortit et passa devant moi. Jolie démarche, jolies jambes, petite mais jolie silhouette. Et soudain…

Madame Z - moi – dit : « Vous avez enfin consenti à vous asseoir. La situation est inversée entre nous, dominant, dominé, do mi ré, notre échange pourrait être musical, peut-être. Notre problème de relation est basé sur la forme me semble-t-il. Chacun de nous reste « coincé » dans son «rôle».

Vous étiez le censeur, moi la censée vous contraindre à renoncer, à vous démontrer que la forme était imposée. M’imposer à vous, même en vous manquant de respect, c’était en quelque sorte ma mission et je pense, donc, l’avoir accomplie J’étais dans mon rôle, je devais vous faire renoncer, j’y suis parvenu dans la forme.

Mais vous voyant sur ce banc, moi sortie, exhumée de mon rôle policé, j’ai envie de vous dire, je n’ai pas que l’envie, je vous le dis, votre audace j’ai aimée, quand vous vous êtes levé, J’ai aussi perçu votre regard sur mes jambes, et les frissons ressentis sur la peau de mes membres.

Se dire, me dire, maintenant que je suis moi et non celle que vous deviez rencontrer pour la blâmer du mauvais traitement imposé à des mots par vous aimés,m’est nécessaire.

Vous assis, moi debout, face à vous, osez maintenant me critiquer, me dire si la forme de mes propos ne vous convient pas. Nous sommes à l’instant face à face. Je m’assois sur le banc à vos côtés, égal à égal.

Je peux aussi, pour vous démontrer mon humilité retrouvée, sans humiliation aucune, m’asseoir au pied du banc qui nous a réunis, pour vous demander si cette rencontre qui pouvait sembler incongrue entre nous ne vous paraît pas, comme à moi, étonnante…

J’ai aimé votre révolte, aimerez-vous ma reddition ?...

vendredi 6 juin 2008

Des tuiles...

Tous les jours il en est tombé sur ma vie,
Comme tout le monde.
Des petites, des grandes,
Des rondes, des longues,
Des qui ont duré,
Des qui vont durer.
Des qui m’ont marquée,
Des qui m’ont faite ce que je suis.
Sur lesquelles parfois même,
Etonnamment des années après,
Je me retourne, apaisée,
Elles bourgeonnent de vie…

jeudi 5 juin 2008

Déjà presque une ombre...

Une ombre qui s’efface peu à peu…
Une vie qui s’éteint à petit feu…
Et tout ce que cet être projetait,
Tout ce qu’Elle était pour moi,
Défile sans cesse dans mon esprit.
Tous ces souvenirs partagés,
Des mots, des sourires,
Des rires aussi…
Elle restera ancrée en moi,
Même si la vie continue sans elle,
Et que je sais qu’elle me manquera à jamais…

mercredi 4 juin 2008

Un autre regard...

Posé au loin,
A l’horizon,
Le sien sans doute…
D’horizon ou de regard… ?
Pléonasme…
Les paupières ourlées de noir,
Protégée du sable…
Que le vent de la vie lui souffle au visage,
Elle ne baisse pas les yeux.
Elle a cependant une douceur qui s’insinue
Dans ses iris verts…
Le sourcil décidé,
Elle affirme son obstination,
A assumer sa traversée du désert…

mardi 3 juin 2008

Jardin vivant...

Peu académique,
Presque sauvage, naturel,
Livré un peu à lui-même,
Sans trop quand même.
Je suis certaine que des mains « vertes » le dorlotent…
Sans l’emprisonner…
En massifs, plates-bandes, haies taillées…
Il explose de vie,
Il foisonne,
Une botte d’iris quand même,
Il faut ce qu’il faut, sourire…
D’autres fleurs encore,
Des taches de couleurs…
Il est aimé ce jardin,
Mais pas contraint…
La vie pulse encore…

dimanche 1 juin 2008

Face à face...

Deux chaises, posées,
Laissées en situation.
Ils se sont retrouvés là,

S’étaient-ils déjà vus ?
Première rencontre,
Où chacun « dévisage » l’autre,
Le mitraille de questions sensibles,
Cherche à voir l’autre de l’intérieur..
Si tu partais sur une île déserte,
Qu’emmènerais-tu ?
Tenter de voir l’âme de l’autre,
Dans ses yeux d’abord,
Dans ses mots ensuite…

Ou alors, ils se connaissent déjà bien,
Mais se voit quand bon leur semble,
Un rendez-vous sur l’esplanade du Trocadéro,
Plutôt agréable…
Avant de s’asseoir, ils sont allés sur l’esplanade,
Regarder les passants en bas,
La Tour Eiffel en horizon…
Puis, ils ont planté le décor,
Face à face,
Non pas comme un affrontement,
Plus comme une mise à disposition
De l’un à l’autre, de l’un pour l’autre…

« L’important »,
Quelle que soit la situation réelle,
C’est que ces deux chaises soient restées en vis-à-vis,
Cela me laisse supposer…Qu’ils sont partis ensemble