mercredi 11 juin 2008

Délicieux quatre mains (5)...

Quatre mois s’étaient écoulés. Dans le silence, la colère, la tristesse, la déception, la honte aussi. Quelle situation absurde. Je m’étais découvert amoureux d’une femme que j’avais d’abord considérée insupportable de résolution et de maîtrise. Nous devions nous retrouver.

Tout à cette pensée et au plaisir qui l’accompagnait j’avais traversé la rue sans prendre garde : une voiture de la Mairie, électrique donc silencieuse, m’avait renversé. Chute sur la tête ; coma de deux semaines, fractures multiples. Perte de mémoire momentanée. Puis reconquête de mon corps, de mes souvenirs, de mes activités, de mon autonomie.

Me voilà à délibérer : faut-il la contacter ? Elle va me prendre pour un imbécile ou un menteur. Je dois prendre ce risque : ce que nous avons tissé le mérite, et si elle ne me croit pas … On verra ! Je veux prendre ce risque. Je lui écris.

« Madame,

Vous m’avez attendu, je n’en doute pas. Peut-être avez-vous pensé que j’étais une girouette sans suite dans les idées, ou un « fantasmeur » impuissant ; vous avez eu tort. Peut-être avez-vous cherché à me retrouver, en vous disant que je n’avais pas pu oublier un tel rendez-vous ; vous avez eu raison sur ce point. J’ai été accidenté. Cela paraît stupide. Ce n’est pas une excuse, mais une explication.

La vie a dû continuer pour vous et des hommes n’ont pu que chercher à vous séduire. Vous m’avez oublié. Sachez que ce n’est pas mon cas. Maintenant remis, je souhaite vous revoir. J’ai un peu modifié mon projet, mais pas sur le fond. Je vous propose de faire comme si quatre mois n’avaient pas passé.

Je vous propose à nouveau de me retrouver dans dix jours, le…, à la même heure que notre première rencontre, sur le même banc. Le reste sera comme je vous l’avais décrit. Vous accepterez alors de me suivre. Sans m’interroger. Vous aurez pris un jour de congé. Nous prendrons le train. Rien de ce qui se passera n’aura lieu contre votre volonté. Vous le découvrirez.

Dans l’attente de cette rencontre, veuillez croire, Madame, à l’expression de mon émotion toujours vive, dont vous êtes la cause et l’objet. »

Voilà. Je ne vois pas ce que je pourrais faire de mieux. Sinon de confier cette lettre à un fleuriste. Quelles fleurs ? Des tulipes. Si ma lettre lui est indifférente, au moins les pétales au galbe qui me ravit lui proposeront de garder de moi un souvenir plaisant, calme, peut-être caressant.

Elle était allée au rendez-vous, le bon jour, une semaine après leur première rencontre, à la même heure, sur le même banc. Elle avait au début patienté, puis elle avait fini par attendre, presque deux heures, des empêchements de dernière minute ne sont pas prévisibles, il n’avait pas son numéro de portable, il ne pouvait pas la prévenir. Elle trouvait des raisons, des excuses, elle raisonnait.

Une chose était sûre elle ne savait où le joindre, si elle partait prématurément, elle porterait la culpabilité de l’avoir perdu. Au bout de ces deux heures interminables, elle se résolut à renoncer à lui. Elle se dit rien ne présageait le croisement de nos routes, si nous devons vivre plus, nous nous recroiserons.

Elle ne pouvait pas rentrer chez elle comme ça, elle avait besoin de ne pas renoncer à tout. Elle hésita même à prendre un train, le premier accessible à cette heure, le hasard des horaires SNCF déciderait à sa place, elle voulait partir pour elle ne savait pas où, elle devait partir pour où il savait…

Les jours suivants, elle lui en voulut mais cependant, arrivant ou partant du bureau elle espérait le croiser, elle se disait qu’il viendrait, qu’il souhaitait juste la mettre à l’épreuve, là tester… Mais rien. Au fil du temps, elle se dit que ce n’était qu’un beau parleur, qu’il n’avait pas osé aller au bout de cette rencontre improbable, que sa lettre n’était que du rêve facile, une forme de prétention qu’il n’avait pu assumer.

Puis les mois passèrent, elle reprit sa vie qui lui semblait encore plus monotone, même si, durant ses heures de travail, elle se donnait l’illusion d’avoir sa place et d’être incontournable.

Le soir ou la nuit parfois, elle repensait à cette histoire qu’elle aurait aimé poursuivre, ne serait-ce que pour savoir…, par curiosité, mais aussi par impatience, par envie de vivre autrement, de sentir son ventre et son cœur palpiter, de sentir son regard à lui sur elle.

Il l’avait perturbée, dans le sens «réveillée», elle avait du mal à se rendormir.

Un soir, rentrant d’une journée harassante, où elle avait voulu, comme à son habitude, jouer le premier rôle, elle releva sa boite et prit son courrier d’un coup de main sans y prêter attention. Une foule de prospectus comme à l’accoutumée…

Elle ouvrit sa porte, alluma la lumière et d’emblée elle eut envie d’une douche chaude, d’un peignoir moelleux et de passer une soirée détente sur son canapé.

Elle jeta le courrier sur le meuble de l’entrée et alla directement dans la salle de bain. Débarrassée de son costume de femme d’affaires, elle ouvrit l’eau chaude et ferma les yeux. Son corps avait besoin de chaleur, de détente, de se laisser être. Elle resta de nombreuses minutes, l’eau résonnant sur sa tête et ruisselant le long d’elle, la vapeur commençait à s’installer et la détente à se poser sur elle. Elle se décida à en sortir et se blottit dans son peignoir douillet.

Elle sortit de la salle de bain, ouvrit le frigo, prit deux yaourts, deux fruits, se fit chauffer de l’eau pour un thé vert.

Elle se sentait détendue, retrouvée, ancrée, presque prête à dormir.

Elle rejoignit le canapé et juste au moment où elle allait s’allonger l’interphone sonna.

«Non, je n’ai envie de voir personne !!!». Elle hésita et finalement répondit : «Oui» «C’est pour une livraison de fleurs», «Vous devez faire erreur», «Non, vous êtes bien Madame … ?» «Tout à fait, je vous ouvre». Elle se demanda qui pouvait bien avoir cette attention à son égard, puis repensa au jeune écrivain qu’elle avait reçu aujourd’hui, mais il n’avait pas son adresse… On sonna à la porte, elle ouvrit, le livreur lui tendit un bouquet de tulipes, de celles qui ont des pétales qui semblent découpés, de couleurs irisées, sur le papier du bouquet une enveloppe était agrafée. Elle le remercia et referma la porte.

Sur cette enveloppe blanche, une écriture qui de suite la fit frissonner… «Non ! Il n’a pas osé quand même ! Il ne va pas me rejouer le sketch du rendez-vous sur le banc ?». Elle fut tentée de jeter l’enveloppe sans l’ouvrir, les fleurs ce serait dommage et injuste, elles n’y sont pour rien. Puis elle se revit, sur ce banc à patienter, elle se rappela qu’elle n’avait pas osé partir, qu’elle l’avait attendu presque deux heures. Elle ouvrit l’enveloppe et lut. Elle était étonnée, ne savait que penser de ce qu’elle découvrait. Etait-il à ce point machiavélique pour oser se jouer encore d’elle ? Qui sait, peut-être en manque de proie? Ou son histoire, aussi incroyable qu’elle pouvait paraître, était-elle vraie ?

Elle ne savait plus que penser. Elle décida d’aller dormir, si elle y parvenait, et de prendre une décision claire et définitive au réveil, la nuit, dit-on, porte conseil.

Elle se coucha mais son esprit ne pouvait s’arrêter de revisiter leur histoire, si brève fut-elle. Elle eut beaucoup de mal à trouver le sommeil.

Quand le réveil sonna, elle n’en crut pas ses oreilles. Elle se força à reprendre ses esprits, et là, elle se dit «Je serai au rendez-vous».

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Pour répondre à ton commentaire:

Si certaines photos sont libres de droit, j’écrirais bien des articles sur mon blog, elles m’inspirent en tous cas, dis moi si ce pourrait être possible.

Je ne m'occupe pas des droits du fait que je demande permission aux auteurs des photos. Jusqu'alors une seule personne à refusé - sur 750 photos utilisées. Ce que je oeux te dire c'est que beaucoup de photographes seraient ravis de te donner permission d'utiliser leur photo sur ton blog. La seule chose dont ils ont crainte c'est que quelqu'un utilise leurs photo pour faire de l'argent. C'est pourquoi j'ai bien indiqué sur ma demande que la photo serait utilisée sur un not-for-profit blog.
Cordialement.

Kat Imini a dit…

Merci pour ta réponse, mais comment puis-je éventuellement demander la permission, j'ai cliqué sur ton blog sur les noms d'auteurs de photos et je n'arrive sur rien. Cordialement

Anonyme a dit…

il suffit de cliquer sur le nom du photographe qui est situé à gauche SOUS la photo ou sur le titre de la photo qui est à gauche sous la photo.

jean-claude a dit…

le nom du photographe - à droite.
Mais tu dis que cela ne mêne à rien?
Quel navigateur utilises-tu?

Kat Imini a dit…

En fait j'aboutis sur flick.fr, je suppose donc qu'il faut que je devienne membre pour éventuellement envoyer un mail au photographe pour lui demander son accord, c'est ça ? Merci en tous cas pour tes réponses.

Anonyme a dit…

Absolument!

Rom a dit…

Pas de commentaire, cet épisode me paraissant être une transition.