samedi 7 juin 2008

Délicieux quatre mains (1)...

J'avais, au début de mon blog, publié le début de ce texte. Je ressens aujourd'hui l'envie de laisser ici la suite de l'histoire. Parce que ce texte a trouvé sa "fin". J'ai donc supprimé le premier article pour vous livrer chaque soir, six soirs, un morceau et que la lecture en soit facilitée. J'espère que vous prendrez du plaisir à le lire au fil des jours comme nous avons pris du plaisir à l'écrire, j'espère que bien que ces textes soient plus longs que ceux que je pose ici habituellement, vous lirez jusqu'au bout et aurez plaisir à revenir le lendemain. C'est en une histoire écrite à quatre mains, comme une partition partagée, comme des notes qui en entrainent d'autres. Ce texte ne m'appartient pas, nous l'avons composé avec "En passant", François, écrivant tour à tour à la suite des mots de l'autre, un bel échange... Merci à lui... Sincèrement.

Quand je regarde nos mains, paume contre paume, puis qui se prennent après s’être cherchées, j’éprouve un ravissement. Jamais je n’aurais pensé que nous nous trouverions, que nos corps, après nos âmes, trouveraient le chemin l’un de l’autre.

Tout avait commencé assez mal. J’avais appelé un éditeur pour me plaindre de la manière dont était imprimée une œuvre pour moi majeure. Renvoyé de service en service, je m’étais retrouvé avec une voix féminine, assez ferme, un peu grave, peut-être voilée par la fréquentation de la fumée de tabac, une voix qui me répondit qu’elle pouvait me proposer un rendez-vous le vendredi suivant à 18h45 au secrétariat de Madame A. pour discuter de mes propositions en matière de mise en pages et de packaging.

Et, avant même que je réponde que je n’étais pas libre et que l’on ne pouvait pas disposer de mon temps avec un tel mépris, tu avais raccroché. Bien sûr, je me suis libéré : je me sentais provoqué, et j’avais décidé de dire ce que je pensais à cet adjudant !

Le vendredi, le livre en question en main, j’arrivai avec dix bonnes minutes d’avance. On me fit patienter. «Madame Z., l’assistante de Madame A., va vous recevoir dans cinq minutes. Elle est en rendez-vous avec un auteur.» Vingt bonnes minutes plus tard, le fameux auteur – un présentateur crétin de variétés sur TF1 – sortait, faisait la bise à je ne sais qui, je ne voyais pas, puis dirigea sa prétention à deux balles jusqu’à la porte qu’il ne ferma pas, ce qui me permit de l’entendre dragouiller la personne qui m’avait reçue. Il l’aurait prise sur son bureau que cela ne m’aurait pas étonné, si cette même personne n’était apparue très rapidement pour m’introduire chez Madame Z., toi.

En même temps qu’elle m’accompagnait, je me fis la remarque que son empressement lui permettrait certainement de faire disparaître le dernier empêcheur de baiser en rond les secrétaires stagiaires en fin de journée sur leur lieu de travail par une célébrité digne des animations d’hypermarché.

Tu portais un parfum frais, aux arômes d’agrumes. Tu me regardas directement, directivement, un peu comme un cocher devait fouetter un animal têtu qui refuse d’avancer. Tu me fis asseoir, et je ne pus m’empêcher de regarder tes jambes, certainement pour me détendre – j’aime les jambes des femmes, parce qu’à partir d’elles j’imagine ce que je ne vois pas, et je commence à fantasmer… sauf que tu me dis sévèrement : «Bon, alors Monsieur U, qui êtes-vous pour vous permettre de critiquer la collection dans laquelle est paru ce roman ?».

Et elle me le montra. J’ai commencé par me lever, et montrer le laisser-aller des marges mal calibrées, la police discutable… Elle me demanda de me rasseoir. Je refusai. Elle me fit sortir. Tout cela ne dura pas plus de deux minutes. La stagiaire n’était plus là ; mon hypothèse à son propos se révélait, en partie au moins, fausse. J’étais en colère.

Je m’assis sur un banc, devant l’immeuble où se trouvait la maison d’édition. Je regardais pendant une dizaine de minutes les voitures, les passants, les pigeons, le trottoir, pour faire retomber un peu la pression.
Madame Z. – toi – sortit et passa devant moi. Jolie démarche, jolies jambes, petite mais jolie silhouette. Et soudain…

Madame Z - moi – dit : « Vous avez enfin consenti à vous asseoir. La situation est inversée entre nous, dominant, dominé, do mi ré, notre échange pourrait être musical, peut-être. Notre problème de relation est basé sur la forme me semble-t-il. Chacun de nous reste « coincé » dans son «rôle».

Vous étiez le censeur, moi la censée vous contraindre à renoncer, à vous démontrer que la forme était imposée. M’imposer à vous, même en vous manquant de respect, c’était en quelque sorte ma mission et je pense, donc, l’avoir accomplie J’étais dans mon rôle, je devais vous faire renoncer, j’y suis parvenu dans la forme.

Mais vous voyant sur ce banc, moi sortie, exhumée de mon rôle policé, j’ai envie de vous dire, je n’ai pas que l’envie, je vous le dis, votre audace j’ai aimée, quand vous vous êtes levé, J’ai aussi perçu votre regard sur mes jambes, et les frissons ressentis sur la peau de mes membres.

Se dire, me dire, maintenant que je suis moi et non celle que vous deviez rencontrer pour la blâmer du mauvais traitement imposé à des mots par vous aimés,m’est nécessaire.

Vous assis, moi debout, face à vous, osez maintenant me critiquer, me dire si la forme de mes propos ne vous convient pas. Nous sommes à l’instant face à face. Je m’assois sur le banc à vos côtés, égal à égal.

Je peux aussi, pour vous démontrer mon humilité retrouvée, sans humiliation aucune, m’asseoir au pied du banc qui nous a réunis, pour vous demander si cette rencontre qui pouvait sembler incongrue entre nous ne vous paraît pas, comme à moi, étonnante…

J’ai aimé votre révolte, aimerez-vous ma reddition ?...

3 commentaires:

Julie Kertesz - me - moi - jk a dit…

La suite! la suite!
bien sûr, qu'on reviendra le lire - et cela ne parait pas long du tout, au contraire, trop courte - puisqu'on le lit d'un souffle et on veut le continuer!

Kat Imini a dit…

Sourire Julie, tant mieux alors, je vais continuer ce soir... Bonne journée et merci pour votre enthousiasme.

Rom a dit…

Beau début d'une rencontre imaginée (ou espérée?)