mercredi 23 avril 2008

Se retournera-t-iL ?...

Ils avaient rendez-vous comme souvent pour se retrouver… Elle aimait la vie qu’ils se faisaient, peu à peu, tous les deux sans en avoir l’air…
Depuis qu’elle l’avait croisé à cette soirée imprévue. Il y avait trois mois, déjà trois mois… Sa meilleure amie, Sylvie, l’avait presque suppliée ; «Viens dîner à la maison mercredi soir, il y aura des gens très sympas, et puis qui sait… Au moins tu sortiras de cet enfermement à la fois volontaire et subi ». Elle n’avait pas répondu, elle avait temporisé. « Je te rappelle, je te confirme promis ».

Elle n’avait pas envie de sortir de son isolement, elle s’y confinait, elle dégustait sa solitude, heure après heure, jour après jour, elle se complaisait dans son malheur… Elle se faisait sa fatalité, clé en main…

Un coup de blues un peu plus fort que les autres, elle avait fini par rappeler Sylvie pour confirmer sa présence.

Ce soir là, avant de partir, elle s’était regardée dans le miroir et avait mis beaucoup de soin à gommer les effets de ses soirées « canapé », de ses nuits blanches d’insomnie. Elle se voulait présentable…

Arrivée au bas de l’immeuble, elle fut tentée de repartir. Machinalement son doigt s’était déjà posé sur l’interphone et la voix pétillante de Sylvie se fit entendre « Oui… ». Elle dit bêtement « C’est moi ». Mais sa voix éraillée était facilement identifiable, elle entendit répondre « Tu es venue, super » et s’engouffra dans l’allée.

Surtout ne pas penser, ne pas s’angoisser. Au sortir de l’ascenseur, Sylvie la cueillit sur le palier. « Allez viens, il y a déjà un peu de monde, j’ai douté jusqu’au dernier moment, je suis heureuse que tu sois là ».

Elle n’aimait pas arriver après les autres, les présentations et le lot d’amabilités convenues la dérangeaient. Balayant rapidement du regard les convives déjà présents, elle fut rassurée, elle les connaissait tous, croisés de ci de là au fil de soirées passés. Elle les salua un à un, puis se mêla peu à peu à la conversation.

Elle se dit qu’elle s’éclipserait discrètement en cours de soirée, qu’elle serait bien mieux en pyjama devant son plateau télé.

Elle se questionnait, que de contradictions en elle ! Après avoir appréhendé de se retrouver entourée d’inconnus, elle se morfondait maintenant au milieu de ces visages presque familiers.
La sonnette retentit… « Enfin, le retardataire… » dit Sylvie en allant ouvrir.

« Je te présente Antoine, un ami de longue date qui était parti depuis deux ans en Irlande, Antoine, Léa, ma meilleure amie ».

Elle l’avait vu arriver dans la pièce, beaucoup d’allure, relativement grand, mais surtout beaucoup d’allure, et là elle croisa son regard, elle y resta accroché, se forçant à détourner les yeux pour s’en détacher. Elle y revint, ils se sourirent, comme une étreinte brève, mais intense. Ils se saluèrent, puis Sylvie l’entraîna vers les autres invités.

Après tout alla très vite, elle se sentait extrêmement troublée, elle était déjà séduite.

Elle ne savait plus comment le sourire étreinte s’était transformé en attirance mutuelle, mais elle la goûtait. Ils se revirent rapidement et leur histoire commença à s’écrire.

Elle aimait tout de lui, ses yeux bien sûr, sa bouche, sa voix, ses mots, son rire, son corps, ses caresses.

Elle aimait la vie qu’ils se faisaient peu à peu…

Et là, à l’instant, pour un rien, ils s'étaient déchirés, assénés des reproches…

Il vient de tourner les talons, elle le regarde partir…

Se retournera-t-il ? Elle l’espère…

Elle porte le masque de la colère, du reproche… Elle durcit son expression, ne rien lui montrer, ne pas avouer…

En elle, son besoin de lui, son envie de lui dire à quel point elle le veut là, encore là…, à quel point cette dispute est nulle, sans fondement…

Elle retrouve ses contradictions qui l’enferment, l’étouffent…

Se retournera-t-il ?

Elle crie son prénom et se met à courir…

4 commentaires:

Rom a dit…

Bonjour(soir) Kat
Antoine...l'Antoine Doinel cher à Truffaut? ;-) Quel joli texte! léger, délicat, sensible, le genre de choses que je suis incapable d'écrire, parce que je suis un homme?

Kat Imini a dit…

Bonsoir(jour) Rom
Merci pour tes appréciations, j'avoue avoir hésiter à changer un peu le style, et parfois peut être seulement, le "style" de mes textes posés ici... Je doute sincèrement que tu en sois "incapable", RHomme, sourire.

Siréneau a dit…

Ah là là quelle histoire Kat! Toujours ce mur de pierres et ce besoin d'enfermement à cause de cette sensibilité, la peau, c'est d'ailleurs ton joli logo, cette paupière, baissée, fermée, j'arrête de jouer au psyréneau et je dis oui! Oui à ton style et à ton blog!

Kat Imini a dit…

Siréneau, histoire assez classique. Est-ce un besoin, ou plutôt une nécessité, il me semble que c'est différent... Mais comme pour le mur irlandais, les pierres ne sont pas jointes, la sensibilité passe... Merci pour tes "oui" en tous cas, j'y suis sensible...