Les rencontres sont souvent étonnantes. Je les aime même improbables.
Cette photo, pour moi, c’est un peu une rencontre. Je l’ai croisée sur le site dont je cite (ah le français !...) le nom plus haut. Je n’ai pas pu tourner la page, il fallait que je la garde dans ma « photothèque », mon stock d’images à mots. Je me suis retrouvée en elle, « confidences sur l’escalier »…
J’avais moins de 6 ans, élevée chez des parents nourriciers, disait-on alors. Je partais de chez mes parents le dimanche soir et ne rentrais que le vendredi soir. Ils s’appelaient Noël, bon présage.
Ils m’ont aimée en plus de ce pourquoi ils étaient payés, me garder, je leur ai rendu cet amour, réciproque, ils m’ont grandie (drôle cet accord grammatical à lire… ).
Même si donc, je n’ai rien à leur reprocher bien au contraire, il est difficile pour une enfant d’être partagée, écartelée, entre deux familles. Cela crée un sentiment de non appartenance.
Revenons donc à ces confidences, par ailleurs bien entamées, sur l’escalier. Nous étions donc dans leur cuisine située au premier étage d’une maison de Castor. Sourire, cette expression est jolie et désigne un mode de construction et d’accession à la propriété dans les années 60 où les accédants achetaient à moindre prix une maison qu’ils devaient terminer.
Nous étions donc là, dans cette cuisine, et Tatan Noël, comme je l’appelais, venait de me rappeler avant de sortir de la pièce que je ne devais pas descendre au garage. Il faut dire que l’escalier était très pentu et que ses marches n’étaient que plaques de béton descendantes, sans contre marches, plutôt « casse gueule »…
Elle n’avait pas tourné le dos, que je pris la décision, que je fis le choix, de descendre… Bien évidemment, je ne pensais pas cela évident juste avant ma chute, je me pris les pieds non pas dans le tapis, mais dans le béton.
Je roulais jusqu’en bas après moult pirouettes. La dernière marche m’eut été sans doute fatale, si Janine, la fille aînée de la maison n’avait eu le réflexe de poser sa main pour accueillir ma tête.
Le pire était à venir. Je ressemblais, après quelques jours, à cette photo, madeleine de Proust.
Mais le lendemain de la chute, j’étais nettement moins présentable et je devais rentrer chez mes parents.
C’est là que j’ai mesuré l’ampleur du choix quand on se trompe.
Tatan Noël culpabilisait, avait peur des remontrances de mes parents, moi je n’étais pas très fière. En plus de la douleur physique de cette chute, j’allais devoir affronter la rencontre entre deux mondes, une fois de plus, de ceux qui m’élevaient, même si j’étais tombée par « ma faute », et de ceux qui m’avaient amenée à vivre. Les confidences sur l’escalier expliquent bien des cicatrices…